
CONFLIT UKRAINO-RUSSE : Quelles conséquences pour nos assureurs français ?
Après le choc de la nouvelle, les gouvernements et citoyens européens doivent composer avec une guerre à leurs portes. Entre sanctions dictées par l’UE (Union Européenne) à l’encontre de la Russie et ripostes du gouvernement Russe, la guerre en Ukraine commence à laisser voir ses conséquences directes et indirectes sur notre économie. Dans le monde assuranciel, un certain nombre d’assureurs français sont concernés de près ou de loin par le conflit. Que cela soit en tant qu’assureur ou investisseur institutionnel, tous les pans du secteur sont touchés.
Mais quels sont les risques réels de la guerre en Ukraine pour nos assureurs Français
C’est la première fois, en Europe, que le risque de guerre pris en charge par les assureurs se repose ? . Pour rappel, le risque de guerre est généralement une exclusion légale définie à l’article L121-8 du code des assurances. Cet article stipule que l’assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des pertes et dommages occasionnés, soit par la guerre étrangère (…)”. Ainsi, dans la plupart des branches d’assurance, les libellés contractuels intègrent cette exclusion des risques de guerre. Les sociétés, en marge, ayant fait le choix d’une dérogation conventionnelle de leur contrat devront, pour leur part, assurer les dommages causés par la guerre. Peu d’inquiétudes donc pour la majorité des assureurs de biens !
Le secteur assurantiel de par son aversion au risque et sa capacité à anticiper les scénarios, semble faire preuve de réactivité pour réduire l’exposition des entreprises. En outre, France assureurs (fédération réunissant 99% des acteurs de l’assurance en France), a très vite réagi en proposant à ses adhérents de nombreux outils informatifs autour du conflit ; notamment, les informations concernant les impacts des sanctions économiques décidées par l’UE.
En parallèle, France Assureurs a mis en place une assurance auto de responsabilité civile gratuite un mois pour les véhicules des ressortissants ukrainiens circulants sur le sol français.
Entre gestes de solidarité et exclusions définies aux contrats, les premières répercussions de la guerre en Ukraine semblent être sous contrôle. Ce constat est corroboré par les premiers résultats financiers des grands groupes d’assurance pour l’année 2022, qui indiquent des voyants verts, malgré la situation politique.
La présence d’assureurs européens en Ukraine et en Russie étant faible, les éventuels amortissements des filiales n’inquiètent pas les groupes et agences de notations. Moody’s estimait que les pertes seraient modérées en IARD et réassurances. Cependant concernant certaines branches spécifiques, liées à l’assurance des risques politiques notamment, l’analyse de scénario projette des pertes modérées.
Comment réagissent les grands groupes français
Prendre position dans le conflit 
Alban de Mailly Nesle – directeur financier chez Axa, se déclarait satisfait de la performance de ce début d’année dans ce contexte incertain, avant de relativiser : “nous estimons aujourd’hui que la perte nette de souscription liée à la crise devrait s’apparenter à une catastrophe naturelle de taille moyenne”. Anticiper, voilà le maître-mot des assureurs qui vont devoir jusqu’à la fin de la guerre en Ukraine mesurer et chiffrer les impacts de la volatilité des marchés financiers, notamment pour les assurances vie impactées par le marché des capitaux.
La sérénité du groupe Axa peut s’expliquer par son retrait en 2019 de l’Ukraine. En effet, la vente de ses activités sur le sol ukrainien au groupe canadien Fairfax Financial Holdings Limited, permet de voir ces impacts limités. Intuition ou hasard, cette cession est une aubaine pour le groupe français. Même constatation du coté de Generali – qui n’est pas présent sur le territoire ukrainien – l’impact direct est perçu comme minime.
Risque d’image ou convictions de la gouvernance, la présence des grands groupes occidentaux en Russie nécessite des prises de décision fortes et parfois radicales. Sur les activités des principaux grands groupes, les annonces étaient attendues dans cette situation délicate.
Generali, qui possède 38,5% d’Ingosstrakh – une participation minoritaire selon le groupe – a annoncé stopper ses activités en Russie devenant ainsi le premier assureur Français à s’opposer de façon manifeste au conflit. Cette décision s’est illustrée par le souhait de sortir du capital d’Ingosstrakh, dont Générali s’estimait déjà pénalisé à hauteur de 40 millions d’euros suite à la dépréciation de l’assureur russe. Autres conséquences directes en Russie : la fermeture de son bureau à Moscou et la cessation des opérations de sa filiale Europ Assistance sur le territoire russe.
Pour sa part, Axa détient un tiers du capital du groupe d’assurance Reso Garantia – l’un des principaux assureurs russes. Capital relatif pour un groupe comme Axa, puisque le chiffre d’affaires de Reso-Garantia s’élevait à 1,06 milliard d’euros en 2017. Le directeur financier d’Axa annonçait ainsi avoir pour un peu moins de 200 millions d’euros en assurance sur le territoire Russe ainsi que 200 millions d’euros d’actifs exposés à la Russie. Un chiffre bien maigre pour le groupe qui annonçait 99,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021 (source. Site axa.fr). Aussi, et sans surprise, le groupe a décidé de retirer ses administrateurs du conseil d’administration de Reso-Garantia – suivant ainsi le chemin initié par Generali. Axa s’est affranchi des décisions liées à Reso-Garantia déclarant n’avoir aucun contrôle de gestion sur cette société. Enfin le groupe français, a cessé de souscrire de nouvelles affaires et a mis fin aux renouvellements concernant les actifs situés en Russie appartenant à des russes.
Et sur les actifs et investissements 
Axa a annoncé anticiper des répercutions économiques sur leur implication sur le territoire Russe mais surtout sur les effets secondaires. Ainsi ce qui inquiète le plus, ce sont les conséquences directes de la guerre en Ukraine. Avec pour répercussions directes la hausse prévisible du prix de l’énergie et la volatilité croissante des marchés financiers. Pour pallier l’effondrement des taux fixes russes, Axa a stoppé tout nouvel investissement dans les actifs Russes.
Generali pour sa part, estimait à hauteur de 96 millions la perte suite aux dépréciations des produits à taux fixes russes.
Pour l’agence de notation S&P Global Ratings, les premiers réassureurs mondiaux dont les actifs sont liés à la Russie et à l’Ukraine ne sont pas significatifs et représentent moins de 1% de l’actif total.
Autre conséquence directe de la guerre en Ukraine, la hausse du coût des matières premières, renforçant la pression sur la trésorerie des entreprises. Dans un tel contexte le risque d’impayés pourrait repartir à la hausse, Allianz Trade (assurance-crédit) fait une estimation à 12% pour la zone euro et 15% pour la France – et ce, malgré les soutiens publics pour maintenir les niveaux de défaillances.
Les premières conclusions des grands acteurs de l’assurance et des agences de notation ne sont donc pas alarmantes. La situation semble sous contrôle, notamment sous l’œil expert de la fédération France assureurs qui guide et informe la majorité des acteurs d’assurance français. Une homogénéité des réactions est à remarquer à l’encontre de la Russie. Toutefois les impacts plus larges de la guerre notamment sur les secteurs de l’industrie viendront peut-être mettre à mal les résultats pour l’année 2022. Les réassureurs devraient être les premiers fortement touchés si un tel scénario se réalisait.